Jeu du foulard, trop d’enfants en meurent encore
Un dossier complet publié le 9 mai 2021 dans le journal La Provence.
IIs pensaient « jouer ». Ils pensaient « gérer. Ils en sont morts. Depuis le début de l’année 2021, au moins six enfants et adolescents sont décédés en France, dans l’indifférence générale, de ces jeux qui virent au drame. Une enquête dira si ce jeune Gardois de 12 ans retrouvé pendu dans sa chambre à Nîmes, début avril, fait aussi partie des victimes. Jeu du foulard, de la tomate, rêve indien ou bleu. Des noms anodins pour des pratiques dangereuses qui consistent à se priver d’oxygène quelques secondes par semi-strangulation jusqu’à l’évanouissement, pour se procurer des sensations fortes.
« On a connaissance de six cas de jeunes de 9 à 20 ans, explique Françoise Cochet, présidente de l’Apeas. Mais ce n’est pas révélateur de la réalité. Car il n’y a aucune statistique sur ces jeux dangereux. Ils sont classés soit en suicide, soit en accidents domestiques. » Françoise Cochet est abattue. Depuis plus de 20 ans et le décès de son fils de 14 ans, elle fait de la prévention dans les écoles, soutient les familles. « Je suis démoralisée de voir le nombre de cas se multiplier et de l’inertie des ministères de l’Éducation et de la Santé. Certaines années, on a connaissance de 25 cas. » En moyenne, un enfant ou adolescent âgé entre 6 et 20 ans meurt chaque mois. Certains souffrent de dommages neurologiques et cardiaques irréversibles: paralysie des membres, surdité, baisse de la vue, perte de mémoire… « La répétition de ces jeux aggrave le risque de séquelles, mais il ne suffit que d’une fois pour être handicapé, dans le coma ou en mourir. »
« Pas des enfants à problèmes »
Les enfants victimes n’ont pas le profil de gamins à problèmes. » Ce sont souvent des enfants curieux, intelligents, qui expérimentent, raconte Françoise Cochet. Une gamine était venue me voir à la suite d’une intervention dans un collège. Elle m’avait raconté comment au Primaire, elle s’était enfermée avec ses copines dans les toilettes pour jouer au jeu de la tomate, une forme d’apnée excessive. Elle avait eu l’impression de sortir de son corps, et elle avait réitéré l’expérience à plusieurs reprises chez elle pour essayer de retrouver cette sensation. À aucun moment, elle n’a mesuré l’état de gravité dans lequel elle avait été. Le directeur m’avait dit: » Si cette enfant, bonne élève, bien entourée, joue à cela, alors cela peut arriver à n’importe qui. »
Les parents ignorent tout, en effet, de ces conduites à risques, qui se transmettent dans les cours d’école. Et ont été boostées par les réseaux sociaux. En janvier dernier, une fillette de 10 ans est morte asphyxiée à Palerme (Sicile) alors qu’elle participait à un « black-out challenge » sur TikTok, dans la salle de bains de la maison familiale, ont rapporté les journaux italiens. « Les parents ne sont pas au courant la plupart du temps, dans les établissements, quand ils repèrent ces comportements, les enfants sont punis. C’est parfaitement inutile. Ce qu’il faut, c’est faire de la prévention dans les écoles, former les personnels. Mais nous sommes une petite structure, nous ne pouvons pas être partout. » L’APEAS a développé des outils (dessins animés, jeux.) adaptés à chaque âge pour les établissements et relance une campagne de prévention pour alerter les parents, relayée notamment par le Point Rose, association marseillaise qui soutient les familles confrontées à la perte d’un enfant.
Beaucoup n’ont rien pu anticiper du drame qui allait se jouer. Il y a quand même quelques symptômes ou signaux qui peuvent être repérés : maux de tête récidivants, douleurs auriculaires, rougeur sur le visage et dans les yeux, manque de concentration, grosse fatigue, trouble du sommeil, vertiges, traces suspectes sur le cou. Des liens qui traînent de façon inhabituelle (lacets noués entre eux, ceinture de judo, corde.) ou des questions posées sur les effets ou les dangers du manque d’oxygène doivent également alerter.
Alexandra DUCAMP
Le sommaire du dossier complet :
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