Sur les jeux d’asphyxie à l’adolescence
David Le Breton, Professeur de sociologie à l’université Marc Bloch de Strasbourg.
En quête du vertige
René Daumal raconte une expérience qui l’a hanté alors qu’il avait quinze ou seize ans. A cette époque il voulait « expérimenter directement sur la mort –sur ma mort », écrit-il. Il tente à cette fin différentes expériences : « Je mettrai mon corps dans un état aussi voisin que possible de la mort physiologique, mais en employant toute mon attention à rester éveillé et à enregistrer tout ce qui se présenterait à moi ». Il se plonge dans un état d’inconscience en utilisant un produit chimiquement proche du chloroforme, mais plus toxique. Il tente donc d’en régler l’usage sans se perdre : « au moment où la syncope se produirait, ma main retomberait avec le mouchoir que j’aurai maintenu sous mes narines, imbibé du liquide volatil ». Il vit alors de manière répétitive « l’expérience d’un autre monde ». Il en décrit les effets en les désignant comme proches de l’asphyxie : « battements des artères, bourdonnements, bruits de pompe dans les tempes, retentissement douloureux du moindre son extérieur, papillonnement de lumière ; puis sentiment que cela devient sérieux, que c’est fini de jouer, et rapide récapitulation de ma vie jusqu’à ce jour ». Les phosphènes qui s’agitent devant ses yeux emplissent tout l’espace. « A ce moment-là, je n’avais déjà plus l’usage de la parole, et même de la parole intérieure ; la pensée était beaucoup trop rapide pour trainer des mots avec elle ». Il expérimente un « autre monde » « intensément plus réel, un monde instantané, éternel, un brasier ardent de réalité ». Mais simultanément, il est emporté dans une nécessité qui lui échappe : « Je devais, sous peine du pire, suivre le mouvement ; c’était un effort terrible et toujours plus difficile, mais j’étais forcé de faire cet effort ; jusqu’au moment où, lâchant prise, je tombais sans doute dans un très bref état de syncope ; ma main lâchait le tampon, j’aspirais de l’air, et je restais, pour le restant de la journée, ahuri, abruti, avec un violent mal de tête » (Daumal,1953, 265 sq.) Les malaises éprouvés ensuite sont insuffisants à lui faire renoncer à ses entreprises. Ils sont le prix à payer de l’intensité de l’expérience. Il dit même avoir failli en mourir et n’en être sorti que par miracle, mais il se refuse à en témoigner. « Ayant vu le danger, cependant, je cessai de renouveler l’épreuve » (272). Evoquant les « visions » arrachées à la syncope, il note combien elles reflètent finalement les attentes de ceux qui la vivent. Elles sont une pure projection mentale reflétant la psyché des individus. Deux de ses amis en tirent des impressions banales, mais un troisième, Roger Gilbert-Lecomte, vit une expérience intérieure proche de celle de la sienne. L’entreprise de René Daumal n’est pas exactement celle des jeux d’asphyxie, dont nous allons parler, mais elle y ressemble par certains traits par sa quête du vertige, le risque d’en mourir, le dispositif employé (miser sur l’affaissement du bras pour écarter le tampon du produit), la recherche de syncope et ce qu’elle révèle de soi.
Dans Le fleuve Alphée R. Caillois évoque certaines impressions d’enfance ayant marqué sa sensibilité. Il se souvient de ce moment qui déposa en lui « le germe panique qui anticipe en chaque enfant les éblouissements délicieux ou terribles où il semble que dans la durée difficilement appréciable d’un instant d’extase ou d’horreur, chavire ce qu’il me faut bien appeler l’âme viscérale[2] ». A la périphérie d’une ville rasée par les combats de la guerre 14-18, subsiste un pylône rouillé où il a le désir de grimper. Mais à mi-hauteur la peur du vide le saisit, et une violente sensation de vertige s’empare de lui. Il poursuit néanmoins l’ascension en conservant dans sa mémoire « un mélange d’angoisse et de triomphe » (43). Il explique ensuite comment il a introduit dans sa catégorisation des jeux le vertige comme « le trouble volontairement recherché de l’équilibre physique, mais aussi tout risque ou défi impliquant, en connaissance de cause, comme sanction probable la perte de l’assiette intellectuelle ou morale ou émotionnelle, sinon celle de l’existence pure et simple » (44). Les sensations éprouvées rappellent souvent celles de l’enfance, ce sentiment mêlé de maitrise et d’angoisse dont Freud parle : « Quel est l’oncle qui n’a pas fait voler un enfant, le transportant à bras tendus et courant à travers la pièce… ou qui n’a pas feint de le lâcher brusquement alors qu’il l’avait levé très haut ? Les enfants poussent des cris de joie et demandent inlassablement qu’on recommence, surtout quand le jeu comporte un peu de terreur et de vertige[3] ».
Ilinx rassemble les jeux qui s’appuient sur la recherche du vertige à travers « une tentative de détruire pour un instant la stabilité de la perception et à infliger à la conscience lucide une sorte de panique voluptueuse … il s’agit d’accéder à une sorte de spasme, de transe ou d’étourdissement qui anéantit la réalité avec une souveraine brusquerie[4] « . Quête d’un ébranlement des sens, d’une vacillation du centre de gravité, d’une volonté de rompre avec l’équilibre qui préside à la vie quotidienne en brisant toutes les coordonnées physiologiques habituelles. Ilinx est le nom grec du tourbillon d’eau, d’où dérive le nom même de vertige dans la même langue (ilingos). Au plus élémentaire, telle est la quête de l’enfant tournant sur lui-même, ou s’enivrant de sa balançoire, descendant à toute allure des chemins de terre en bicyclette, ou parfois, jusqu’à la tragédie, les enfants en quête de suffocation dans les jeux d’étranglement. Les fêtes foraines proposent maintes activités fondées sur ce principe de susciter un flot de sensations où la peur se mêle à la jouissance car le risque est censé avoir été de toute façon contrôlé par les promoteurs de ces manèges ou de ces toboggans. L’ilinx est également présent dans certains exercices religieux : les derviches tourneurs, les voladores du Mexique, le chamanisme…
Au regard des autres catégories ludiques décrites par Roger Caillois[5], la poursuite du vertige est en rupture radicale avec la vie quotidienne dont elle subvertit les principes en la rendant justement impossible. Le vertige induit une altération, parfois redoutable, de l’identité. Lors de la « panique voluptueuse » l’individu n’est plus tout à fait lui-même, il échappe aux contraintes de son identité, il ne peut plus rendre de comptes, il cesse d’être l’acteur de son existence pour s’abandonner à la fulgurance des sensations mêlées qui le traversent. Vertige est aussi un dérivé du verbe latin vertere (tourner), il évoque le sentiment que le monde tourne autour de soi
La poursuite, et surtout la domination du vertige, animent une série d’activités physiques et sportives fortement appréciées des jeunes générations depuis le courant des années quatre-vingt (Le Breton, 2002). Ces entreprises impliquent une relation imaginaire et réelle au danger et visent à créer le désordre provisoire des coordonnées sensorielles qui permettent de s’orienter au fil du quotidien à travers des activités de pleine nature : vitesse, glisse, saut en élastique, quête de sensations intenses, escalade, alpinisme, rafting, canyoning … Ces modes organisés du vertige sont pluriels, ce sont des formes ludiques de relation au monde où l’individu se met imaginairement ou réellement en danger, se tient à la limite du déséquilibre en abandonnant les prises qui le reliaient solidement au sol. Il n’en demeure pas moins un acteur de sa démarche, témoignant d’une dextérité dans l’usage des outils employés. Mélange ambigu de plaisir et de peur, le terme « s’éclater » revient souvent pour qualifier une volonté d’élargissement qui exige dans un premier temps l’effacement d’une identité personnelle trop restreinte à dépasser dans une sorte d’effraction pour éprouver aussi la jubilation de revenir à soi en retrouvant ses prises sur le réel. Le sentiment de toute puissance est d’autant plus fort que le concurrent sort indemne de l’épreuve. Dans le langage usuel, une formule populaire résume souvent son caractère : la « recherche d’adrénaline ». Ces activités reposant sur le goût du vertige impliquent toujours de quelque façon un jeu métaphorique avec la mort, mais il s’agit d’un jeu dont on revient.
Le vertige pénètre également nombre d’activités ludiques des adolescents à travers par exemple les raves parties ou les fêtes et cette volonté de fusion, d’oubli de soi, voire même de coma dans la frénésie des sons et des mouvements, un étourdissement accentué par la prise de produits tels que l’ecstasy, l’alcool. Il s’agit de « ne plus se prendre la tête », de ne plus penser, d’être absorbé par l’ambiance dans la dissolution du fardeau du Moi. Se tenir dans l’entre soi procure le sentiment délicieux de la transgression et accentue la complicité, lève les inhibitions, met en condition pour jouir pleinement de la fête. Recherche de griserie, de dérèglement des sens, d’oubli de soi dans des formes plus ou moins contrôlées de transe. Le relâchement de la conscience, voire sa perte provisoire, est une manière de déchirer l’enveloppe initiale de son sentiment d’identité à travers une sorte de syncope paradoxalement contrôlée. Disponible, ouvert, l’individu a le sentiment que le monde le pénètre sans l’anéantir.
Mais la quête du vertige prend aussi des formes qui l’éloignent de la sphère ludique. Elle est une constante des conduites à risque des jeunes (Le Breton, 2002 ; 2007). La fascination du vertige est un jeu avec l’existence dont l’intensité se paie parfois par la chute, l’accident, la collision, l’intoxication ou l’overdose. Elle est également présente dans la griserie de la vitesse sur les routes, l’alcoolisation, les troubles alimentaire, particulièrement l’anorexie, et même les activités de délinquance ou de violence. On la retrouve aussi dans l’errance, longue chute à l’horizontale dans un espace qui n’en finit plus. L’aspect potentiellement mortifère de la recherche n’est pas tout à fait ignoré comme en atteste l’usage courant du terme s’« éclater », c’est-à-dire exploser, voler en éclat, déchirer son enveloppe.
Les jeux d’asphyxie : des rites privés de contrebande
Parmi toutes ces pratiques fondées sur une chute intérieure programmée, il faut sans doute dissocier les jeux d’asphyxie qui procèdent par étranglement ou compression… Ces activités sont mises en œuvre par des enfants ou des adolescents ignorant dans leur immense majorité les risques encourus, particulièrement dans les jeux d’étranglement. D’autres sont plus ambivalents, ils connaissent les risques, mais considèrent que cela ne les concernent pas, et ils ne sont nullement arrêtés dans leur volonté de poursuivre. Ils s’y livrent pour une brève quête de sensations, le souci de partager un moment de connivence avec les autres hors du regard des adultes. Ce ne sont pas là des jeunes en quête de l’ivresse engendrée par leur virtuosité sur le terrain des activités physiques et sportives, ni nécessairement de jeunes en souffrance emportés dans les conduites à risque. Le profil de ces jeunes adeptes privilégie la curiosité, l’exploration de ses ressources personnelles, ils s’inscrivent dans une logique adolescente de découverte de son corps et de la souveraineté d’être soi.
Les jeux d’asphyxie renvoient à une recherche de syncope à travers une pression sur les carotides ou une compression du sternum effectuée seul ou par quelqu’un d’autre après avoir respiré à un rythme précipité afin de produire une hyperventilation. L’appauvrissement brutal de l’oxygène et la restriction de la circulation du sang créent une perte de conscience, le relâchement de la pression induit un afflux du sang dans le cerveau au risque d’un déclenchement du réflexe vagal et d’un arrêt du cœur. Le blocage et/ou le ralentissement respiratoire détruit irréversiblement des neurones, déclenchant parfois une crise d’épilepsie. Ces jeux visent à provoquer un moment de séisme sensoriel, perçu comme agréable, avant de revenir à soi ou d’être réanimé par les amis. L’évanouissement est un moment d’entre-deux, de suffocation, produisant des sensations fortes et le sentiment d’être à la hauteur d’un comportement peu commun. Parmi ces jeux d’évanouissement, les jeux d’étranglement sont les plus dangereux. Chez les adolescents les plus âgés ou les adultes il peut s’agir d’une activité autoérotique visant à multiplier le plaisir sexuel. En principe la perte de connaissance s’efface dès que la pression se relâche, mais l’hypoxie cérébrale induit des lésions irréversibles après trois minutes et la mort après quatre ou cinq minutes. Ce jeu s’effectue en groupe, mais certains jeunes souhaitent poursuivre l’expérience en solitaire, multipliant alors le danger à leur insu. Pour provoquer l’étranglement ils recourent à des liens, des ficelles ou des ceintures. Mais ils n’ont plus tout à fait le contrôle des opérations. Le lien suspend leur respiration, l’air retenu dans leurs poumons s’appauvrit peu à peu de son oxygène (anoxie), il importe alors de dénouer le lien avant la privation totale d’oxygène qui conduit au coma en quelques secondes et à des lésions cérébrales irréversibles en quelques minutes. Si le jeune est seul nul ne peut donner l’alarme, il est inconscient et il meurt d’étranglement ou de suffocation. Au-delà de ces risques de lésions cérébrales existe aussi le danger de blessures lors de la chute due à la perte de conscience.
Aux USA, le Mortality Weekly Report of the Center for Desease Control du 15 février 2008 indique qu’entre 1995 et 2007, 82 jeunes au moins seraient morts de ces jeux de strangulation, parmi lesquels 71 garçons, la moyenne d’âge étant de 13,3 ans, chiffres nettement sous-évalués. Entre 2000 et 2009, en France, l’APEAS a identifié en moyenne dix décès par an, avec une sex-ratio de cinq décès de garçons pour une fille. 93% des parents qui purent être interrogés à la suite de la mort de leur enfant ignoraient totalement ces pratiques. Lors du colloque de l’APEAS à Paris en décembre 2009, T. Andrews évoque un chiffre variant entre 135 et 150 morts par an aux Etats-Unis (Andrews, 2010, 43). En 2006, au Canada ce sont 193 jeunes entre 10 et 19 ans qui meurent de strangulation, d’étouffement ou de pendaison pour la majorité de manière « intentionnelle », mais 18 de ces décès sont cependant d’emblée considérés comme « accidentels » (Macnab et ales, 2008). Une enquête menée en 2007 par des chercheurs canadiens et américains dans des écoles de l’Ontario et du Texas sur les jeux d’asphyxie aboutit à la distribution de 2762 questionnaires (2504 furent remplis) avec une moyenne d’âge de 13,7 ans (+ ou – 2,2 ans). 68% des jeunes interrogés disent connaitre ces jeux, une grosse majorité de garçons. 45% connaissent quelqu’un qui les a pratiqués. 164 y ont déjà participé, 10 l’ayant fait en solitaire. 95 de ces jeunes continuent à les pratiquer. 1002 jeunes (40%) pensent qu’il s’agit de jeux sans aucun risque. Parmi ceux qui pensent qu’il y a un risque 69 (8%) les ont malgré tout expérimenté et 18 (2%) continuent à le faire (Deevska et ales, 2008). Une étude menée par la DB Foundation auprès d’un millier de jeunes montre que la majorité des enfants joue plus d’une fois par semaine aux jeux d’étranglement. Une autre étude américaine menée en 2006 à Williams County (Ohio) rapporte que 11% des jeunes de 12-18 ans, et 19% des jeunes de 17-18 ans sont adeptes de ces jeux. Une étude IPSOS commandée par l’APEAS en France sur le « jeu du foulard » et réalisée par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 1013 personnes interrogées par téléphone en 2007 montre que pour les 15-19 ans 43 % connaissent le jeu, 35 % en ont entendu parler ; pour les 20-24 ans : 68 % le connaissent et 22 % en ont entendu parler. 4% de l’échantillon l’ont déjà pratiqué : 6% (avant 5 ans), 29% entre 6 et 10 ans), 48% entre 10 et 14 ans et 28% à 15 ans et plus. Ceux qui l’ont pratiqué ignoraient pour 25 % ses dangers, 27 % en avait une vague idée, 31 % étaient lucides sur les risque et 17% pensaient qu’il pouvait y en avoir (www.jeudufoulard.com). Après le décès de Jesse (12 ans), sa sœur mène une enquête dans l’école où il était scolarisé. Elle recense 47 élèves qui se livrent encore à ces jeux d’asphyxie. A sa question de savoir pourquoi ils continuaient alors que la mort de Jesse aurait dû les avertir du danger, ils lui répondirent que Jesse l’avait tout simplement mal pratiqué (in Cochet, 2010, 116). En France, dans le cadre d’une action de prévention, un commandant de la police judiciaire s’est un jour retrouvé devant une classe où 70% des enfants pratiquaient ces jeux (Cochet, 2010, 134).
Ces jeux d’asphyxie ne sont pas une aberration surgissant ces dernières années d’une génération privée de repères et devenue imprévisible. Ils sont à l’inverse connus de longue date sous maintes variantes mais ils tendent cependant à se multiplier chez les jeunes générations depuis quelques années notamment du fait des blogs et des réseaux d’échanges comme You Tube qui en élargissent l’attraction à l’infini. Ils touchent des adolescents, parfois des enfants ou de jeunes adultes, issus de tous les milieux sociaux, surtout des garçons, même si une minorité de filles s’y engagent. Aucune mort n’est officiellement recensée avant 1995 et les premiers textes de la littérature médicale n’apparaissent pas avant 2000 (Russell, 2008, 1420). De nombreux décès, perçus il y a quelques années comme des suicides, étaient sans doute des accidents dus à une pratique solitaire des jeux d’étranglement. Un point aveugle empêche donc d’établir un constat précis de la mortalité antérieure de ces jeux avant ces dernières années, et, encore aujourd’hui, l’ambiguïté demeure souvent entre suicide et mort accidentelle.
Ces jeux d’asphyxie portent d’innombrables noms : rêve indien, coma indien, rêve bleu, jeu de la grenouille, des poumons, du coma, du cosmos, de la tomate. En Amérique du nord ou au Royaume Uni, les noms sont également multiples : Choking game, Blackout, Suffocation roulette, Space monkey, Flatliner, Breath play, Space cow boy, Funky chicken, Suffocation roulette, Passout, Mess trick, California high, Rising sun, Sleeper hold, Americain dream, Air planing, Scarf game, Cosmos, Black Hole, Purple dragon, Purple hazing, Tingling game, High riser, Fainting lark, Speed dreaming, Intento desmayo…La profusion des termes désignant ces pratiques, chaque langue possédant ses variantes, atteste de leur extension chez les jeunes générations
Ces jeux, comme nombre de pratiques de vertige, relèvent d’une culture du secret, d’une radicale séparation avec la sphère parentale tenue dans l’ignorance. Non par conscience du danger ou par crainte de la réprobation, mais par l’intuition de se livrer à une démarche ambiguë que les adultes risquent de désapprouver. Ces pratiques participent d’une culture juvénile soucieuse de se préserver des jugements extérieurs. Pratiques de l’entre soi, immergées dans le secret des jeux d’enfance ou d’adolescence, un peu à la manière des jeux autour du sexe qu’aucun enfant ne révèle à ses parents. Ils provoquent la jubilation née de la transgression d’un interdit implicite et participent aussi de la quête de soi. Outre la recherche de sensations dont ils procèdent, ils alimentent chez l’adolescent le sentiment d’une force personnelle à avoir osé le faire et un moment de partage avec les témoins de son expérience.
Thomas, aujourd’hui 27 ans, a découvert le jeu dans son lycée à un moment où il était très présent, « c’est venu comme ça, comme un phénomène de mode, mais un peu du jour au lendemain ». Il l’a pratiqué avec sa sœur cadette âgée alors de 8 ans. Il expérimente le jeu sous la contrainte du groupe. « Je ne voulais pas essayer. Je me souviens qu’au collège ça se passait dans un endroit un peu caché et les gens faisaient la queue pour essayer. Il n’y avait que quelques personnes qui savaient le faire. Moi, je ne voulais pas essayer, mes potes non plus ». Il parle de queue quotidienne de dix à vingt élèves « pendant un mois ou deux, le temps que ce soit trop surveillé ». Pourtant nul n’y allait avec plaisir dans son souvenir : « Quand on le faisait ça n’avait rien d’un jeu. C’était comme se faire tatouer ou piercer. T’as peur mais comme ça t’intrigue tu y vas. Mais dans la queue personne ne rigolait ». Thomas se souvient qu’à l’époque déjà « une élève que je connaissais a mis plus de temps que les autres à se réveiller et il y a eu un petit mouvement de panique. Ca c’est su, c’est passé aux infos, et après c’était vraiment surveillé ». Une information est même fournie en classe pour dissuader les élèves. D’où les stratagèmes, en dépit de la connaissance des dangers, pour poursuivre la pratique en se dissimulant des enseignants et des surveillants. Thomas expérimente le jeu « à cause du côté attirant du risque (…) c’était fascinant aussi, on se demande ce qui se passe dans la tête quand ça nous arrive ». Il n’en éprouve rien qui lui donne envie de recommencer. Dans son collège où il décrit des rackets, des agressions fréquentes, le jeu était le seul moment de confiance où les ainés ne harcelaient pas les plus jeunes, où nul ne profitait des évanouissements pour voler, etc. « Quand les gens faisaient la queue pour jouer au foulard, il y avait une certaine confiance qu’on ne trouvait pas d’habitude. Ils savaient qu’une fois au sol on ne profiterait pas d’eux, on ne leur ferait pas les poches, et il y avait des mecs qui surveillaient pour qu’ils ne se cognent pas la tête et se réveillent bien ».
Ces pratiques font paradoxalement lien avec les pairs de s’adosser à des interdits. En outre, elles sont connotées comme ludiques aux yeux des jeunes. A la différence du recours à la drogue, socialement réprouvé et, aux yeux des adolescents perçu comme plus risqué, les jeux d’asphyxie, et notamment les jeux d’étranglement, sont une forme aisée d’accès à un autre état de conscience, ils sont valorisés et rehaussés de prestige du fait de leur dimension cachée et juvénile, ils participent d’une excellence personnelle au sein du groupe, là où le recours à d’autres moyens chimiques d’expérimentation d’états de conscience modifiée est plus stigmatisé. Le jeune formule parfois clairement l’idée que l’alcool, la drogue ou le tabac sont dangereux pour sa santé et qu’il en repousse la tentation, en insistant sur le fait que justement les jeux d’asphyxie ne sont nullement risqués.
Selon les circonstances, certains jeunes sont contraints à exécuter le jeu ou à se faire étrangler sous le regard des autres ou encore dans un contexte amical et secret comme Maëlle (13 ans) : « Je le faisais avec ma meilleure amie, sinon on ne le disait à personne, on voulait garder le secret entre nous et que personne d’autre ne le fasse ». Mais d’autres le font comme une activité courante, et poursuivent seuls la recherche de sensation. C’est là surtout que réside le danger, quand le jeune est seul et imagine contrôler l’ensemble du processus qui amène de l’étranglement à l’évanouissement. S’il ne peut se détacher du lien qui lui enserre le cou à cause de sa perte de conscience chaque seconde qui court porte en elle un poids de mort. Nombre de jeunes ont cru ainsi maitriser les gestes pour sortir du péril en « oubliant » qu’ils ne seraient pas lucidement en mesure de le faire, d’autres n’y ont même pas pensé, et ont cru vivre l’évanouissement tout en se réveillant ensuite.
Un risque pour l’identité
Le défi est courant chez des adolescents soucieux d’afficher leur virtuosité ou mis dans l’impossibilité de renoncer à une action sans perdre l’estime de ceux qui l’accompagnent. S’il n’est pas clairement annoncé, il relève de toute façon d’une manière d’être avec ses pairs, d’une volonté de se montrer à la hauteur, de porter haut l’honneur du groupe. Les autres sont les témoins indispensables de ces épreuves personnelles qui, sinon, n’auraient la plupart du temps jamais lieu. Le groupe de pairs joue un rôle d’incitation qui neutralise l’impact parental, et favorise le passage à l’acte chez ceux qui s’étaient auparavant abstenus. Il dissipe les derniers doutes en leur conférant une légitimité bien supérieure à celle de la société (ou de sa propre famille).
A travers ces activités mettant en jeu la suspension des contraintes de l’identité, le jeune est dans une relation de maîtrise provisoire avec le vide qui met sa vie en porte-à-faux. Elles transposent en effet, sur une autre scène, l’indétermination sociale et culturelle, le brouillage des références, mais elles en absorbent les effets destructeurs au niveau individuel. Elles conjuguent vertige et contrôle, relâchement et toute puissance. Elles favorisent la reprise en main d’une existence instable et perçue comme menacée. Elles dressent les conditions d’une homéopathie du vertige : on combat le sentiment du vide en se jetant dans le vide. Elles donnent un instant à l’individu le sentiment de s’appartenir, de conjurer enfin la confusion logée au coeur de la vie. L’accident, s’il fait irruption sur la scène rappelle que ce bref moment se paie d’un jeu serré avec le risque de mort. Le réveil brutal ou les lendemains pénibles et nauséeux sont la rançon habituelle du rêve. Pour un nombre grandissant d’adolescents, ayant perdu l’épaisseur du réel, vivre ne suffit plus. Il faut se sentir exister. Pour eux l’évidence tranquille de vivre n’est pas acquise, il faut éprouver le fait de son existence. Retrouver enfin des limites (Le Breton, 2007).
Nul jeune n’invente par lui-même les gestes requis par la recherche de la syncope. Ce sont les autres qui les lui enseignent et lui suggèrent les impressions qu’il doit en ressentir. Ils l’aident éventuellement à l’atteindre et à le faire revenir à lui. Si ce ne sont pas directement les pairs de vive voix, les sites internet, les blogs, YouTube ou d’autres vecteurs de la cyberculture, en assurent la transmission sur une vaste échelle. Pour Gaspar (8 ans), ce fut un livre pour enfant qui décrivait un jeu où le héros devait se défaire d’une liane maléfique qui lui enserrait la gorge. L’enfant avait pris une ceinture, s’était hissé sur un tabouret et, la ceinture autour du cou, il était tombé et s’était retrouvé pendu (in Cochet, 2010, 105). Une étude menée sur You Tube entre le 22 octobre et le 2 novembre 2007 montre que pendant cette période 65 vidéos de jeux d’asphyxie étaient en circulation à travers un large éventail de techniques, l’une d’entre elle concernait une pratique de groupe où les participants s’infligeaient la syncope en s’étranglant à tour de rôle, les 64 autres documentaient une situation d’asphyxie provoquée. 90% des participants étaient des garçons. Les vidéos avaient été vues 173 550 fois. Le nombre moyen de visionnements par vidéo était de 2670 (Linkletter et ales, 2009). Au sein du groupe de pairs, la pression à la conformité est difficile à repousser surtout pour les garçons. Ne pas participer à la démonstration implique une menace de rejet et de mépris. Seul les « bouffons » se dérobent au jeu. « On nous obligeait à le faire, physiquement, mais si on ne le faisait pas, on nous disait « ah, t’es nul » « Tu ne fais pas partie du groupe », etc. Donc on se sentait un peu obligé de le faire. Une fois je suis tombé en arrière sur une chaise, je me suis tapé la tête, et les élèves sont arrivés pour me réveiller en me secouant, et là j’ai décidé d’arrêter, ça ne me plaisait plus trop » (Alexandre, 17 ans, in Cochet, 2001, 110). La pression du groupe de pairs est redoutable à moins de perdre son statut dans le groupe. Le risque pour la santé ou la vie, de toute façon mal entrevu, pèse moins que le risque pour l’identité (Le Breton, 2007). Le jeune se contraint à une expérience qui ne l’intéresse pas mais perdre la face serait la pire des choses, la certitude de passer pour une « mauviette » et d’en être raillé pour une longue période.
Expérience de la syncope
Les mots manquent pour traduire l’intensité de ce qui est vécu. L’expérience est un chaos de sensations que l’adolescent déchiffre en fonction des codes qu’on lui propose et avec lesquels il bricole. Le déchiffrement des perceptions liées à la syncope traduit une dialectique subtile entre l’individu et le groupe qui l’entoure. Le jeune définit la situation en la remaniant selon les péripéties de son expérience et les propositions des autres à ses côtés, il est largement dépendant de l’opinion de ceux qui l’accompagnent, surtout s’il est néophyte et soucieux de rejoindre au plus vite leur expérience. La tâche des initiés qui suivent ses tâtonnements maladroits consiste à le rassurer sur ses impressions, à lui apprendre à reconnaître certaines sensations comme appropriées au fait de jouir des effets de la syncope en toute conformité avec leur expérience. A leur contact, il apprend à repérer ces sensations fugaces, et au départ plutôt désagréables et à les associer au plaisir. Une sorte de bricolage s’opère entre ce que les autres lui disent et ce qu’il en imagine[6]. Si les effets physiques suscités par la syncope apparaissent désagréables lors des premières tentatives, pour certains ils se transforment au fil du temps en sensations désirées, recherchées pour leur jouissance et leur insolite. Le travail de façonnement du ressenti s’effectue sur la signification de l’état lui même. En redéfinissant comme agréable un tel état, ses pairs l’induisent à en changer ainsi la nature.
L’interprétation de son ressenti repose essentiellement sur les clés qui lui sont proposées ou celles dont il a entendu parler. Elle est résumée souvent à travers des clichés : « montée d’adrénaline », impression de voler, visions hallucinatoires d’étoiles, de lumières, de couleurs, d’êtres étranges… « Quand on s’endormait, on était comme dans un bonheur, entouré de bonheur, on ne sentait plus la douleur, on ne sentait plus rien et je recherchais ce bonheur. Au début je le faisais en groupe, et ensuite toute seule. Je pense que c’était la même chose pour mes camarades. Je n’étais pas consciente du danger » (Ludwikas, 17 ans, in Cochet, 2001, 125). « Ce que j’aimais bien quand je m’évanouissais, c’est que j’avais l’illusion de voler, de ne plus sentir la douleur et d’être en présence de personnes que j’aime. Par contre le réveil était horrible car c’était comme si je prenais une décharge et après j’avais très mal au crâne, j’avais du mal à retrouver mes esprits » (site APEAS). « On a l’impression de dormir pendant des heures alors que ça ne dure que quelques secondes… En plus on fait des rêves. On tombe aussi par terre, n’importe comment. Mais ce n’est qu’au réveil que l’on a mal » (Nathan, 14 ans). Nathan se souvient de l’un de ses amis : « Il le faisait tout le temps. Il voulait toujours resté endormi le plus longtemps possible. Mais à un moment il est devenu fou. Quand il était dans les pommes, il se tapait les poings dans les murs. A son réveil, il avait les mains en sang, la peau arrachée » (in Cochet, 2001, 137). « Tout à coup je me sens terriblement bien, le ciel est d’un bleu limpide, et un gigantesque avion passe juste au-dessus de moi, dans un silence absolu. Je suis bien. Je me réveille, je suis allongé par terre. Le réveil est désagréablement troublant. (Mes copains) m’ont dit que j’avais eu des spasmes pendant ces quelques secondes » (Cyril, 15 ans à l’époque, in Cochet, 2001, 155). Dans son texte sur « la capacité à être seul », Winnicott avance la notion d’ « orgasme du moi » pour caractériser une excitation qui envahit l’individu tout entier. Moments de brèves syncopes qui déchargent le sujet du poids d’être soi et lui procure le sentiment de se dilater hors de ses frontières cutanées (Winnicott, 1969, 212). Mais beaucoup disent, à l’image de Samira : « On tombe dans les pommes, c’est tout ». « C’est comparable à un évanouissement classique, sensation de flotter, hallucinations légères, oui, ça décrit mon ressenti » (Nicolas, 25 ans). Il a pratiqué une seule fois quand il avait douze ans. Un groupe de copains lui propose de participer à leurs jeux. On lui expose comment procéder. « Je refais à l’identique ce que mon camarade m’avait montré tout en fermant les yeux. Je me fais étrangler, et, à ce moment, je n’ai plus de souvenir. Je me réveille étendu, et là, mes potes me disent : « Alors ? » Etant habitué à souvent m’évanouir sans réelles raisons étant plus jeune, je n’ai pas spécialement trouvé de différences avec un évanouissement classique ». Il n’a jamais recommencé.
Même un adolescent bien dans sa peau connait des moments de découragements, de lassitude, d’incertitude sur ce qu’il adviendra de lui, sur des choix difficiles à effectuer, L’effacement de soi, même pour quelques instant, est une tentation difficile à repousser. Expérience de la blancheur (Le Breton, 2007) où il importe justement d’être déchargé du fardeau d’être soi. Certains jeunes renoncent à produire l’effort de maintenir le personnage que le lien social exige d’eux. Dans la vie courante chaque individu est saisi dans une trame de responsabilités et de sociabilité, il porte un nom, un visage, il est fils ou fille, frère ou sœur, père ou mère, il assume une scolarité ou un métier. En refusant les contraintes de l’identité il cesse de s’inscrire dans une filiation, une histoire, il glisse symboliquement ou réellement hors de la sociabilité où des rôles sont assignés avec les responsabilités inhérentes au fait d’être en lien avec les autres. Ce sont des jeunes qui aspirent, provisoirement ou durablement, à n’être personne, sans nom, perdus dans la blancheur, un « blanc » de la vie, dégagés de toute responsabilité. D’autres cherchent la même expérience de disparition de manière répétée, mais non moins redoutables, à travers une quête de coma éthylique ou la prise de produits appropriés. De même le recours à des cocktails médicamenteux, aux solvants ou la colle afin de connaître ce moment de vacance du contrôle sur soi. L’errance sur les routes ou la confusion de soi à la parole d’un gourou dans une secte sont d’autres formes d’évanouissement. Jeu avec la mort par lassitude, épuisement d’être soi. Mais sous une forme ludique cette dissolution de soi est un point d’attraction de ces jeux d’étranglement.
Le jeu d’étranglement est parfois une parade à la souffrance. Maëlle pratiquait ce jeu dans un contexte de difficulté personnelle : « je faisais le jeu quand j’avais des soucis avec ma famille ». Elle se souvient que sa copine lui disait que pendant le jeu « elle ne sentait plus rien, elle ne sentait plus ces soucis, elle ne pensait à rien ». Un jour dans les toilettes de leur établissement elles ont frôlé la catastrophe. Maëlle n’arrivait plus à ôter le foulard qui lui serrait le cou, ni sa copine. Celle-ci est allée chercher leur institutrice qui est venue les aider. Les deux filles lui demandent de ne pas prévenir leurs parents. L’institutrice est d’accord à condition qu’elles ne recommencent pas. Mais elles ont continué en étant plus discrètes. Maëlle explique que pour ne pas se faire surprendre, elle s’étranglait avec ses mains en se dissimulant avec ses cheveux. A la difficulté d’être soi à ce moment de passage vers l’âge d’homme le jeune oppose parfois une volonté de disparition. Le réveil pénible, une légère confusion mentale, les maux de tête ne sont à ses yeux que le prix à payer d’une expérience qui lui parait envoutante. La syncope est une absence du sujet, une levée provisoire des contraintes d’identité. Un mouvement de bascule l’arrache à toute conscience. Le poids d’être soi et de sans cesse s’interroger sur soi est suspendu. Manière de quitter le monde un instant et d’en revenir. Affrontement symbolique à la mort en prenant l’initiative sur elle. La syncope est l’équivalent physique du jeu avec l’idée de mort qui touche surtout l’adolescence. Elle permet de jouer avec la mort et d’en revenir indemne. Elle est une forme d’apprivoisement, une petite mort qui conjure celle dont on ne revient jamais. Cette plongée dans un contremonde parait aux yeux de certains si irrésistible qu’ils glissent dans la dépendance et répètent même plusieurs fois par jours les mêmes gestes.
Ces jeux d’asphyxie participent d’une quête de soi qui touche de manière privilégiée un adolescent à la recherche des personnages qu’il contient. En songeant à René Daumal, il faut aussi souligner la dimension spirituelle de cette recherche. Echappée belle hors des impératif qui valorisent l’apparence, le look, l’image, les marques commerciales ou corporelles. Elles s’inscrivent également hors des univers adolescents du portable ou des réseaux Internet. Dans un monde qui témoigne d’une répulsion pour toute forme d’intériorité (Le Breton, 1997 ; Breton, Le Breton, 2009), au profit de la seule extériorité : mettre toute sa profondeur à la seule surface de soi, ces jeux d’asphyxie sont justement une volonté de chercher enfin en soi une vérité qui se dérobe ailleurs. Pour nombre de nos jeunes dont la culture est celle du formatage opéré par le marketing, cette plongée en soi dans un univers intérieur qui ressemble à un gouffre à apprivoiser possède une forte attraction. C’est une autre dimension du réel, non plus régit par les parents, mais à travers un entre soi qui rétablit le modèle de nombre de récits initiatiques destinés aux adolescents : l’ouverture de la porte étroite qui ouvre sur un monde inconnu, secret, plein de pouvoirs à conquérir. Irruption d’une spiritualité sauvage dans une société où les religions disparaissent ou perdent leur crédit, et foisonnement des explorations plus intimes, relevant du sacré et du spirituel.
Bibliographie
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Cochet F., Nos enfants jouent à s’étrangler… en secret. Le jeu du foulard, Sens, François-Xavier de Guibert, 2001.
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David Le Breton est Professeur de sociologie à l’université Marc Bloch de Strasbourg. Membre de l’Institut Universitaire de France. Auteur notamment de En souffrance. Adolescence et entrée dans la vie (Métailié) ou de Eclats de voix. Une anthropologie des voix (Métailié) et en italien de Passione del rischio (Gruppo Abele), Il mondo a piedi. Elogio della marcia, (Feltrinelli), Il sapore del mondo. Una antropologia dei sensi (Raffaello Cortina), La pelle et la traccia. Sulle ferite del se (Meltemi), Antropologia del dolore (Meltemi), Antropologia del corpo e modernità (Giuffré).
[2] R. Caillois, Le fleuve Alphée, Paris, Gallimard, 1978, p. 43.
[3] S. Freud, L’interprétation des rêves, Paris, PUF, 1967, p. 167 (tr. fr.).
[4] R. Caillois, Des jeux et des hommes, Paris, Gallimard, 1967, p. 67.
[5] Pour mémoire : l’agon (jeux de compétition), mimicry (jeux de simulacre) et aléa (jeux de hasard), Cf. Caillois (1967).
[6] Rappelons à cet égard les analyses de Howard Becker à propos des jeunes fumeurs de marijuana qui doivent aux aussi se convaincre de continuer malgré une expérience initiale souvent désagréable. « Les sensations produites par la marijuana ne sont pas automatiquement, ni même nécessairement, agréables, constate H. Becker. Comme pour les huîtres ou le Martini dry, le goût pour ces sensations est socialement acquis. Le fumeur éprouve des vertiges et des démangeaisons dans le cuir chevelu; il a soif; il perd le sens du temps et des distances. Tout ceci est-il agréable ? Il n’en est pas sûr. Pour continuer à utiliser la marijuana, il lui faut opter pour l’affirmative » (1985, 75). Pour un élargissement autour de l’anthropologie de sens cf. Le Breton, 2007.