Laetita et Sylvain, parents de Lucas, 11 ans
Ce jour-là tu t’étais levé tôt pour ranger ta chambre car un de nos amis que tu adorais devait partager ta chambre le soir-même. Puis tu nous avais rejoint en bas où nous faisions nous aussi du rangement. Tu as joué un moment avec ta petite sœur qui n’avait alors que 10 mois. Sylvain pour nous faire plaisir a mis de la musique celtique et comme nous aimions ça j’ai pris ta sœur dans les bras et tu nous as rejoints pour danser dans une ronde à trois pendant que ton papa nous regardait en souriant assis sur les marches menant à la cuisine. Tout cela se termina sur un gros câlin à trois. Tu m’avais alors demandé si tu pouvais apprendre le celtique et je t’avais répondu que j’apprendrai cette langue avec toi car elle m’intéressait aussi. Puis tu avais enfin osé demander à ton papa si tu pouvais l’accompagner au foyer où il faisait du bénévolat et c’est avec un grand plaisir qu’il t’a répondu oui. Ensuite nous nous sommes remis à préparer l’arrivée de notre ami. Tu as voulu jouer sur l’ordinateur mais je t’ai dit non car je voulais que tu joues à autre chose. Alors tu m’as dit que tu voulais manger une pizza le midi puis tu es monté dans ta chambre jouer à faire des expériences. Nous t’avions offert un coffret de chimie et un microscope le Noël précédent, je n’avais donc aucune raisons de m’inquiéter.
Le ménage m’ayant pris plus de temps que je ne pensais je n’ai commencé à préparer le repas que vers 13h. Ton Papa s’était endormi sur le canapé et ta sœur dormait dans son transat. Ta pizza était au four quand ton père s’est rendu compte qu’il était en retard et a filé au foyer en me disant qu’il t’emmènerait la prochaine fois car il était à la bourre. Après ça je t’ai appelé pour manger ta pizza. Tu ne m’as pas répondu. Alors que j’allais venir te chercher, on a sonné à la porte, je suis donc allée ouvrir. C’était le parrain de ta petite sœur, Bastien. Je l’ai fait entrer et suis montée à l’étage pensant te trouver endormi avec un livre à la main comme tu le faisais souvent. J’ignorais alors que j’allais entrer dans un cauchemar éveillé qui à ce jour n’est pas terminé. C’est là que je t’ai trouvé, j’ai crié hurlé mais tu ne m’as pas répondu, tu ne le pouvais plus. Bastien est arrivé en courant et m’a aidée à t’enlever cette ceinture autour de ton cou. Il a commencé à te faire du bouche à bouche pendant que je courais en bas pour appeler les secours. Dans ma panique j’avais oublié ta petite sœur qui dormait et je l’avais réveillée, ses cris m’ont permis de reprendre le contrôle de moi-même afin d’appeler les pompiers et leur donner les indications pour venir jusqu’à nous. Avant qu’ils n’arrivent, ton papa était prévenu et de retour à la maison, il est monté directement te voir mais est redescendu en pleurant. Je suis remonté auprès de toi et t’ai supplié de te réveiller en tenant ta main déjà glacée jusqu’à ce que les secours me fassent sortir de la chambre.
Les gendarmes nous ont questionnés, puis on nous a fait partir de l’appartement juste avant que les médias n’arrivent. Mais dans notre malheur nous avons un peu de chance, avant que l’on ait quitté les lieux, les mots « jeu du foulard » avaient été prononcés et nous sommes partis avec le numéro de téléphone de l’APEAS. En effet quelques jours plus tard l’enquête a confirmé que tu étais parti à cause de ce « jeu » qui n’en était pas un. Nous n’avons pas appelé l’association immédiatement, cela à pris un peu de temps car après ta disparition ton papi, mon papa, t’a suivi car il t’aimait trop fort et son cœur s’est brisé lorsque tu es parti. J’ai donc tenté de les joindre un mois après ton décès alors que je pensais ne pas pouvoir continuer à vivre sans toi, j’avais atteint ma limite de souffrance. Françoise Cochet m’a rappelée moins de deux heures plus tard et à ce moment-là m’a dit la phrase qui m’a tout de suite calmée « Il ne savait pas qu’il pouvait en mourir ». Cette phrase à elle seule a répondu à cette question qui me hantait depuis que je t’avais perdu « Pourquoi avoir fait ça ? C’était dangereux ». Simplement que pour toi ce n’était pas dangereux, tu n’avais aucune conscience des risques que tu prenais.
L’aide de L’APEAS ne s’est pas arrêtée là, nous avons été au week-end des familles quelques mois après avec une certaine appréhension tout de même, nous avions peur de ne retrouver que des familles en deuil qui pleuraient ensemble une fois par an. Mais c’est là où nous nous étions trompés : ce sont des familles pleines de vie et solidaires qui nous ont accueillis comme l’une des leur. Nous avons ri, nous avons pleuré, nous avons aussi beaucoup échangé, cela nous a permis de comprendre beaucoup de choses sur ce qui t’était arrivé mais aussi que l’on pouvait apprendre à vivre avec cette douleur. Bien sûr cela ne se fait pas du jour au lendemain. Cela fait maintenant deux ans et demi que tu es devenu l’une de ces étoiles que tu aimais tant, et nous commençons seulement à trouver une certaine paix. Ta petite sœur nous y a beaucoup aidés aussi puisqu’elle te ressemble énormément.
Nous continuons d’aller au week-end des familles chaque année car ils sont pour nous une seconde famille, et j’ai décidé de m’investir de plus en plus dans l’association car je ne veux pas que d’autres parents connaissent cette douleur. Je ne peux m’empêcher de me dire que si grâce à mon aide on arrive à sauver d’autres enfants en plus de tout ceux qu’ont déjà aidés l’APEAS, alors ta mort ne sera pas juste un accident stupide dû à l’ignorance que toi mais nous aussi avions de ces jeux dangereux.
Sans cette association, qui se bat pour informer les enfants et les adultes des risques, la police aurait conclu à un suicide et nous n’aurions jamais compris la vérité, mais un de leur supérieur avait assisté à une conférence APEAS et avait donné pour ordre de ne pas conclure à un suicide directement lorsqu’il s’agissait d’enfants de ton âge car il avait été touché par ce qu’il avait appris. Tous les parents de l’association n’ont pas eu cette chance malheureusement. Merci à tous les membres de l’APEAS d’avoir été là pour nous : nous n’avons plus notre fils et rien ne nous le rendra mais vous nous avez aidés à l’accepter et vous nous avez fait comprendre qu’on peut rire sans se sentir coupable car c’est ce qu’il aurait voulu. MERCI.