Nathalie, maman de Pierre, 12 ans et demi
Nos vacances se sont terminées, nous revenons de Cahors de la veille.
Clémence, notre dernière, 5 ans est restée chez mes parents dans le lot.
Nous sommes rentrés avec Juliette qui doit participer à un stage organisé par son club de judo. Et Pierre qui doit faire ses devoirs, il ne lui reste que trois jours avant la rentrée et il n’a rien fait pendant les vacances.
C’est un bon élève, avec beaucoup de facilités qui comprend vite mais qui n’est pas très travailleur et qui attend toujours le dernier moment pour faire son travail.
Ce lundi 5 novembre, Juliette part à son stage, accompagnée par le papa de sa copine à 9h00, Pierre et moi nous dirigeons sur Melun, nous y passerons la matinée. En attendant mon véhicule qui est en révision, nous décidons tous les deux de nous rendre dans un grand magasin afin que nous choisissions ensemble le cadeau pour l’anniversaire de ma soeur. Et faire des projets autour des futurs cadeaux de Noël.
Nous profitons de cette venue sur Melun pour déjeuner avec son père. Pendant le repas Pierre projette comme à son habitude mille et une choses, gai et plein d’humour, pour la énième fois il nous « branche » téléphone mobile jusqu’à ce que son père lui propose enfin de l’accompagner le mercredi suivant chez un opérateur.
Puis après avoir redéposé mon mari à son travail, nous nous redirigeons Pierre et moi vers la maison. En arrivant, Pierre commence son devoir de S.V.T ; devoir sur la respiration. 16h15, il me propose de faire une pause devant un thé.
16h30, il est temps pour moi de récupérer Juliette et sa copine au club de judo qui se situe à 6 km de chez nous. Pierre ne souhaite pas m’accompagner, je pars en lui disant très brièvement « Salut, et surtout tu ne passes aucun coup de fil…« , il est dans les escaliers lorsque je pars.
Le temps de m’informer du déroulement de la journée, de redéposer l’amie de ma fille chez elle, il est environ 17h00 lors de notre retour. Juliette descend rapidement de la voiture afin de raconter à son grand frère sa journée . Le temps que j’entre à mon tour, elle m’interpelle dans l’escalier en me disant « il a vraiment des jeux bizarres Pierre… »
J’appelle alors en vain plusieurs fois Pierre jusqu’à ce que j’arrive dans la chambre. Il était pendu à la mezzanine par le cou avec la ceinture de peignoir de sa sœur, inerte, sans vie…
Il me faudra deux mois pour rassembler les éléments, pour commencer à comprendre l’incompréhensible. Une partie de mon fils m’avait totalement échappée, et quelle partie !
Même si à plusieurs reprises durant l’enquête le terme « jeu du foulard » à été employé, c’est durant l’échange avec l’ami de Pierre que j’ai réellement entendu que mon fils pratiquait cette expérience mortelle
« il ne voulait pas mourir madame, Pierre, c’était juste un jeu et on kiffait trop »
Je me suis alors souvenu que depuis l’arrivée des pompiers, à ma déposition à la gendarmerie, à mon entretien avec la première association de parents endeuillés, ce sujet avait toujours été abordé, sans que je m’y arrête.
Je n’avais en tête de cette pratique que l’image d’un jeu collectif réservé aux plus jeunes. En tant que parents nous n’avons que les informations que nous allons chercher, et ce sujet… je ne suis jamais allée vers lui et l’information n’est jamais réellement arrivée à moi, même dans le cadre de mes fonctions ou de mes formations (je suis éducatrice spécialisée de formation, je travaille au sein du dispositif de la protection de l’enfance depuis 1988).
Après m’être réappropriée des différents éléments de l’enquête il était évident que Pierre pratiquait ces expériences d’évanouissement. Il en avait tous les signes :
- maux de tête violents
- marques sur le cou, soignées pour une allergie.
- la ceinture de judo de sa sœur retrouvée à deux reprises dans ses affaires (Pierre avait toujours une bonne raison).
Et au sein même du collège ses camarades décrivent :
- des pratiques remontant à environ trois semaines avant les vacances.
- au moins trois syncopes de notre enfant.
Pierre a même été surpris par un de ses professeurs, laquelle très inquiétée lui a confisqué son écharpe, pour la confier à la vie scolaire. Ces professionnels ayant eux-même évalués la situation « pas Pierre, c’est un bon élève, délégué de sa classe, élu au conseil d’administration, on entend jamais parler de lui… »
L’écharpe en question à été retrouvée par la gendarmerie lors de l’enquête le lendemain du décès de notre enfant, sur cette écharpe un post-it sur lequel était inscrit : « 12 octobre, s’amuse à s’étrangler avec son écharpe, jeu dangereux », aucun rapport n’a été fait, personne n’a tenté de nous en parler. Pourtant la veille des vacances la CPE m’a contacté pour me demander les raisons de l’absence de Pierre (qui était alors avec moi).
Trois semaines plus tard mon fils était mort alors qu’il n’avait pas treize ans, par la négligence de certains, par le manque d’information, et surtout parce que des professionnels auxquels nous confions nos enfants n’ont pas assurés leur rôle de complémentarité aux parents dans la prise en charge de notre enfant. Si seulement nous avions pu mettre en commun ces différents signes et faire UNE BONNE LECTURE de la situation.
Je ne sais pas de quoi mon fils est mort exactement, ni dans quel état d’esprit il se trouvait au moment des pratiques, la seule chose que je sais c’est qu’il y a une partie de nos enfants qui nous échappe totalement. Il est impératif que nous ayons tous conscience des ressources inconnues que nos enfants emploient pour GRANDIR et se différencier de nous, d’où la nécessité de mette en commun nos connaissances autour de ces êtres qui nous sont si chers sans en négliger ou minimiser aucun aspect et sortir des clichés.
Il était évident qu’il fallait aborder le sujet au sein de ce collège et même si le dialogue n’a pas été simple au départ, ma volonté à faire cesser ces pratiques et que plus aucun parent ne se trouve dans la détresse dans laquelle nous nous trouvons, a permis de faire évoluer ce dialogue vers une volonté partagée qu’est la mise en place de plusieurs axes de travail autour de l’information et de la prévention que sont ces pratiques.
Dès le mois de mai 2008 une information à pu être faite sur le collège visant les familles et les enseignants, je regrette l’absentéisme massif du personnel du collège dans sa globalité ; ainsi que l’absence du médecin scolaire convié depuis le début.
Janvier 2009. Intervention dans la même commune réunion d’information organisée à la demande des parents d’élèves des écoles primaires, Monsieur le Principal du collège vient témoigner à mes côtés.
Il va m’accompagner à l’inspection afin de rencontrer les coordinatrices infirmières scolaires et assistantes de services sociales scolaires du département. Deux réunions d’information sont d’ailleurs prévues les 29 juin 2009 en direction des infirmières et le 2 juillet 2009 en direction des assistantes sociales scolaires.